C’est une journée pluvieuse, un jour comme tous les autres. J’accompagne ma blonde à un nouveau rendez-vous : suite à l’échographie et aux multiples suivis médicaux, nous nous dirigeons aujourd’hui en préparation affective à la naissance. Je vais devenir papa : un concept encore bien flou pour moi à 18 semaines de grossesse , mais qui devient un peu plus réel au fil des rendez-vous. Enfin, je crois.
Je suis là par hasard, ou presque. J’ai suivi Gen sans trop savoir à quoi m’attendre. J’aime ma blonde et je me sens investi d’une énergie nouvelle depuis qu’elle est enceinte, d’une mission même : celle de prendre soin d’elle qui abrite la vie.
J’ai le sentiment d’être son ange-gardien et j’en suis fier. Je suis donc assis près d’elle et j’écoute attentivement ce qui nous est présenté, comme un élève sur son banc d’école : on nous explique les étapes à suivre pour prendre contact avec bébé et débuter les jeux in utero. C’est à ce moment-là que mon nom est prononcé : « Simon, tu veux commencer? »
Surpris par cette invitation que je n’attendais pas, me voici les deux mains posées sur la bedaine naissante de ma dulcinée. Je passe du rôle de spectateur-protecteur à celui de protagoniste. Hésitant, je perçois ce moment comme un pile ou face ou un coup de poker. « Est-ce que ça peut vraiment marcher? » Même Gen, de l’intérieur, n’a pas encore senti le bébé bouger. Il paraît que notre enfant a la taille d’une poire à 18 semaines de grossesse. Je tente malgré tout de suivre les instructions que l’on m’a données.
C’est alors qu’un mouvement à peine perceptible se fait sentir dans ma paume. C’est subtil, léger comme une plume, et pourtant, je sens maintenant clairement que quelque-chose… une présence?, se blottit dans le creux de ma main.
Je lève les yeux sur Gen, incrédule. « Est-ce que c’est… ça? » puis-je à peine articuler, la gorge nouée. Gen, elle, n’a pas de doute. Elle reconnaît déjà, de l’intérieur, le miracle en train d’opérer. Les larmes aux yeux, elle acquiesce doucement pendant que ses yeux brillants m’encouragent à poursuivre.
C’est à cet instant que le temps s’arrête.
Un flot de tendresse s’élève alors du fond de mes entrailles. La vague douce et chaude m’ensevelit entièrement avant de se loger au creux de ma main pour envelopper mon enfant.
Lové tout contre ma paume, il répond à mon appel. Au fil de notre échange se déploient en moi de nouvelles qualités, laissant émerger la confiance d’un père en devenir ainsi qu’une certitude : celle que ce lien invisible qui me relie déjà à mon enfant et ne demande qu’à s’épanouir.
Chaque invitation assortie de sa réponse, chaque interaction, nous permettent de communiquer, de nous découvrir et de nous reconnaître à travers un jeu de va et vient qui ne nécessite pas un mot. Une sorte de langage du cœur dont nous seuls connaissons la clef.
Ces moments pleins laissent ensuite place aux premiers jeux de Gen avec notre petit. Nous découvrons avec tendresse que je peux l’aider à détecter ce qui lui semble indistinct de l’intérieur. Ce sont les premiers balbutiements de notre famille. Nous clôturons ensuite cette danse par un jeu à quatre mains et un tendre au revoir.
C’est un jour de pluie comme tous les autres, pourtant, aujourd’hui je suis devenu père.